Par Sylvain LeBrun
Conseils immobiliers pour vendeurs

Le syndrome du « J’vas crever avec » ou l’art de se mentir à soi-même

C’est par un pur hasard que j’écris cette chronique à la veille de la fête des Pères. En fait, elle traîne sur ma liste des choses à faire depuis un certain temps et comme une gentille cliente a cancelé son rendez-vous à la dernière minute, ça me donne quelques minutes pour vous parler d’un phénomène intéressant lorsqu’il s’agit de vendre votre maison au prix du marché !

Si vous avez 65 ans ou plus aujourd’hui et que vous êtes un homme, il est possible que vous soyez atteint du syndrome du « J’vas crever avec ». Mais qu’est-ce que c’est ça?

L’histoire de Raymond

Le syndrôme du « J’vas crever avec » provient d’une sorte d’incapacité à comprendre sa place dans l’évolution du marché immobilier. Un peu comme un petit enfant qui croit que le monde tourne autour de lui, qu’il est le centre de l’univers, il arrive que certaines personnes dites adultes croient à tort que c’est l’univers qui doit s’adapter à eux.

Si vous parlez à des courtiers immobiliers, vous verrez qu’ils connaissent tous des personnes qui souffrent de cet état si particulier.

Prenons par exemple, une rue où toutes les maisons sont similaires et où les prix de vente varient historiquement entre 200M$ et 220M$. Prenons maintenant un personnage imaginaire, appelons-le « Raymond » pour fin de discussion, qui lui aime beaucoup sa maison. Il en a pris un soin jaloux, il a fini lui-même son sous-sol en préfini (acheté en solde à la fin de l’Expo 67) et il a lui-même fait les pics-pics de son plafond en stucco. Le jour où notre « Raymond national » décide de vendre, il invite un courtier chez lui et ce dernier lui montre les ventes sur sa rue. « Non-non-non, la mienne vaut beaucoup plus que ça, je la vendrai pas une cenne en bas de 300 000$ ». Il fait venir 2 autres courtiers qui lui disent sensiblement la même chose. « Si j’suis pour vendre à 220 000$ j’aime autant crever avec ». C’est à ce moment qu’un courtier fait preuve de professionnalisme et ne pouffe pas de rire sur le champ (pas facile de se retenir cependant).

Rendu à cette étape, Raymond a 50% des chances « de crever avec » pour de vrai sans même se douter que sa succession se fera une joie de vendre la maison pour 150$M afin d’avoir du liquide au goût du jour plutôt qu’une maison « passée de mode ». « Vas-y mon Raymond, scrappe ce qui reste de ta vie, ce sera pas ta première fois, mais ce sera probablement ta dernière… » (que les plus cyniques peuvent se dire intérieurement).

L’autre 50% de probabilité est que Raymond va aller chez Rona s’acheter un écriteau « maison à vendre » en se disant « M’a leur montré moé, gang d’incompétents (pi internet cé bon rien) ». Avec son écriteau, différents courtiers vont voir quelqu’un qui veut vendre sa maison et Raymond va se faire solliciter par différents courtiers. C’est triste à dire, mais sur les 15 000 courtiers du Québec, Raymond va en trouver au moins un qui pratique la philosophie suivante « Chaque pancarte que je plante peut me rapporter 2 autres clients qui veulent vendre dans la région, et avec un peu de chance je serai capable de les raisonner ceux-là». C’est ainsi que Raymond se retrouvera « surinscrit » et qu’il vendra les maisons des autres, mais ça c’est un autre sujet d’article.

Manque de connaissance du marché immobilier

Pour en revenir au syndrome lui-même, il faut remonter un peu plus loin. Disons-le, Raymond a été élevé pour être un « coq », un chef, un pourvoyeur, un symbole d’autorité et même de terreur pour ses enfants (« Attend que ton père revienne de travailler »). Il peut être en autorité dans son micro-environnement (maison, travail, cercle d’amis), malheureusement pour lui, il n’a aucune autorité dans son macro-environnement (économie nationale, météo, climat politique, etc) or l’offre et la demande sont des facteurs macro-environnementaux. Difficile pour lui de bien comprendre sa place dans l’économie. Un peu comme l’enfant, il croit que c’est au marché de s’adapter à ses désirs.

C’est au marché de vouloir payer 300M$ pour une maison à 210M$. L’apprentissage est parfois difficile. Pour sa défense, disons que Raymond est né en 1941 et que toute sa vie, il a vu le prix des maisons augmenter à un certain rythme. Pour lui, il est difficile de comprendre qu’on ne peut pas souffler à l’infini une balloune car c’est ce qu’il a connu toute sa vie. Le fait qu’il y ait une dénatalité et un vieillissement de population, le fait qu’il y ait 20 maisons à vendre par acheteur, le fait que les acheteurs ne visitent que les maisons qui ont le meilleur rapport qualité/prix sur internet sont autant de facteurs qui échappent à Raymond, des facteurs qui ne sont pas dans son rayon de connaissances.

La clé de l’équation se nomme Solange (la bienheureuse épouse de Raymond). Si elle est assez rusée, si elle est assez autoritaire, elle réussira à ramener son coq (partiellement édenté disons-le) sur terre. Sinon elle continuera à se faire imposer les choix de Raymond. Souvent, Solange ira chercher l’aide des enfants et tous ensemble, ils réussiront à ramener progressivement la propriété à un point où elle deviendra vendable et où le couple pourra profiter de ses dernières belles années.

Si au contraire, par un long conditionnement, Solange endosse totalement son Raymond, on parlera alors d’un possible « syndrome de folie à deux », proche cousin du syndrome de Stockholm où victime et agresseur fusionnent.

Communiquer, se renseigner…

Est-ce par sexisme que je vous parle de Raymond? Pas tellement. Dans la pratique, je vends souvent les propriétés de veuves. Je remarque que ces dames COMMUNIQUENT. Elles POSENT DES QUESTIONS. Elles se RENSEIGNENT. Et au final elles suivent les conseils des professionnels et elles vendent leur propriété. Par la suite elles font des voyages, nous écrivent de belles lettres de recommandations et c’est avec joie que nous les appelons une fois de temps en temps pour prendre des nouvelles. Raymond, on ne va même pas à ses funérailles.

La pratique immobilière fait en sorte qu’en tant que gars, soit que j’ai peur de vieillir, soit que je devrais considérer l’idée de changer de sexe dans une vingtaine d’années. À moins que le phénomène ne soit que générationnel. C’est ce que je pense puisqu’aujourd’hui les hommes n’ont plus « le gros bout du bâton » dans la société et qu’avec une relative parité c’est nettement mieux. Les habiletés communicationnelles entre les sexes sont meilleures aussi, ça ne nuit pas.

Je pourrais vous mettre une longue liste de propriétés qui sont à vendre depuis 5 ans, 10 ans mais assurément ça me causerait des problèmes avec mon ordre professionnel alors je vais m’abstenir (mais soyez certains que j’adorerais recevoir les plaintes du public au téléphone). Certains Raymond de ce monde vont continuer de se mentir à eux-même et de nager en plein déni. D’autres auront la chance d’avoir de l’aide autour d’eux. Et d’autres mettront en pratique leur prophétie et oui… ils vont crever avec.

Si vous êtes un Raymond, parlez à vos proches, écoutez les gens, soyez ouverts aux informations crédibles. Et si vous voulez vendre au prix du marché, n’hésitez pas à communiquer avec moi, il me fera plaisir de vous aider.

Sylvain

Complément d’information : Le défi de vendre votre propriété à juste prix

 

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